Notre joie – François Bégaudeau

Un soir de septembre à Lyon j’ai pu vérifier que l’ennemi de mon ennemi n’est pas mon ami. L’amitié est un plein et non un creux ; elle ne pallie pas mais augmente. Affirmative, elle ne se coule pas dans le moule de l’inimitié. Elle n’est pas l’alliance de circonstance de deux collègues pour en briser un autre dans la boîte où tous trois perdent leur vie. J’ai souvenir d’une relation supposée amoureuse ayant un temps sursis à sa panne en se nourrissant de l’hostilité active d’un tiers. Sur l’oreiller le récit à deux voix des manœuvres du fâcheux pour nous désunir nous unissait. Puis le fâcheux s’épuisa, et privé du carburant de son fiel le moteur de notre tacot recommença à tousser, agonisa deux semaines et faute d’amour rendit l’âme. Un soir de septembre à Lyon, un jeune homme que j’appellerai M m’attrape à la sortie d’une rencontre publique. Il ne me connaît qu’à distance mais il est certain de notre affinité. Tu es mon idole, dit-il. Le mot idole est réellement prononcé, et le mot fan suit de près. Moi l’idole lui le fan.